Pourquoi ce mur

Le 27 octobre 1797, André Jacques Garnerin ne pouvait imaginer que son exploit, le premier saut en parachute exécuté à partir d'un ballon libre, allait être à l'origine d'une aventure peu commune, la réalisation, aux confins de la Californie, de l'Arizona et du Mexique, d'un monument en hommage à l'aéronautique française.

En effet, à l'occasion du bicentenaire de l'exploit de Garnerin, Jacques André Istel, spécialiste du parachutisme aux Etats-Unis, est invité à un colloque organisé par le service historique de l'armée de l'air. De cette rencontre naît une amitié.

Au-delà de sa passion pour les choses de l'air et plus particulièrement le parachutisme, cet homme, à la double nationalité, américaine et française, s'est aujourd'hui consacré à l'édification d'un lieu de mémoire des hauts faits de l'humanité sur les terres de la ville dont il est le maire, Felicity en Californie. Ayant participé comme officier d'infanterie à la Guerre de Corée dans le Marine Corps, il dédie l'un de ces premiers murs commémoratifs aux 4617 Marines morts pour leur pays sur le sol coréen. Ce mur est gravé de leurs noms.

Chaque mur est long de 33 mètres. Recouverts de 60 panneaux de granit rouge du Missouri, polis au Minnesota, épais de 5 centimètres, hauts de 1m45, larges de 1 mètre, ils sont donnés par les ingénieurs pour durer 4000 ans !

Quelques mois après sa rencontre avec le chef du service historique de l'armée de l'air, Jacques André Istel reprend contact avec lui pour évoquer un projet de mur commémoratif ayant pour objet de perpétuer la mémoire de l'aéronautique française aux Etats-Unis. Après avoir travaillé quelques mois, avec l'historien Edmond Petit, sur l'élaboration, non sans quelques difficultés, d'une liste de noms à graver sur le mur , l'idée naît au cours d'une conversation d'un projet tout autre, celui d'un " mur musée ", concept original où chaque panneau porterait l'image d'un événement de l'histoire de l'aéronautique française accompagné d'un texte bref, en français et en anglais.

Edmond Petit ayant disparu, le principal du travail de conception est dès lors réalisé par le service historique de l'armée de l'air, avec une collaboration du Musée de l'Air et de l'Espace, de l'Aéro-Club de France et du Centre National d'Etudes Spatiales. La réalisation elle-même est pratiquement entièrement supportée financièrement par Jacques André Istel, seul le groupe Air France ayant accepté de participer au financement.

Après trois ans de travail - choix des événements, choix des images, écritures des textes, mise en page et gravure des panneaux - le mur a été inauguré le 16 mars 2002, en présence des autorités locales, d'une représentation importante du Marine Corps, dont un drapeau avec sa garde et une musique, du vice-consul de France à Los Angeles, d'un représentant de l'attaché de Défense français à Washington, d'un représentant d'Air France, du président d'honneur de la Fédération française de parachutisme et de l'ancien chef du service historique de l'armée de l'air.

Le résultat est tout à fait remarquable. C'est une fresque en images - du ballon des frères Montgolfier à la fusée Ariane - destinée à montrer au peuple américain " le rôle primordial et pionnier de la France dans l'ouverture du ciel à l'humanité ", pour reprendre la formule du panneau de présentation de ce mur.

À l'une des extrémités du mur a été gravée cette citation datée de 1744, d'un visionnaire méconnu, le marquis d'Argenson, Secrétaire d'Etat, trouvée par J.M. Amirault, historien de l'Aéro-Club de France.

"Je suis persuadé qu'une des premières découvertes à faire et réservée peut-être à notre siècle, c'est de trouver l'art de voler en l'air.

De cette manière les hommes voyageront vite et commodément et même en transportant des marchandises sur de grands vaisseaux volants.

Il y aura des armées aériennes. Nos fortifications actuelles deviendront inutiles. Cependant les artilleurs apprendront à tirer en l'air. Il faudra dans le royaume une nouvelle charge de secrétaire d'état aux forces aériennes."